Au revoir, mon ami, mon frère…

 

« Salut Jean-Pierre », ainsi commençaient mes courriers électroniques. J’aurais voulu t’en envoyer un de plus pour sacrifier à l’habitude et te proposer un modeste poème à mettre en musique ou un petit texte, mais tout a basculé et, là où tu es, je doute qu’il y ait des ordinateurs. En revanche, la belle maison où tu te trouves maintenant est certainement abonnée à cette Dépêche au Filet qui décrit des actions en faveur des plus déshérités. C’est pourquoi j’espère que ces lignes vont te parvenir.

jp.gif Ces quelques mots j’ai été incapable de te les dire le jour de ton départ, mais j’essaie de me consoler en me disant que tu n’aurais pas aimé entendre ton Ami bredouiller de pauvres formules entre deux sanglots. Car je suis fier de compter  au nombre de tes Amis. Résonnent encore dans ma tête les premières paroles du gentil discours que tu as prononcé au moment de mon départ à la retraite : « Bernard, mon Ami… ». Si on avait le malheur de traiter un Ami de copain, la sanction tombait, immédiate : « non, mon Ami ! ». Cette notion d’amitié était si importante pour toi… Il faudra maintenant que je sois à la hauteur de cette distinction.

Mon Ami, mon frère, j’ai tant de souvenirs à évoquer : avec tous les collègues du lycée qui te considéraient comme un exemple car chacun savait que tu pouvais rendre service à quiconque, en n’importe quelle circonstance…et sans ajouter un mot ; avec les cyclotouristes qui entendent encore tes encouragements tes conseils et ton rire ; avec les musiciens que tu éblouissais par ton sens inné d’une mélodie simple, modeste, et si belle comme toi.

 

Et puis il y avait tes Amis. En compagnie de quelques larrons, nous formions presque une famille où régnaient les fausses moqueries, les paellas gargantuesques et surtout l’admiration réciproque et l’affection. Et tu m’as entraîné dans un flot d’activités sans que je m’en rende bien compte car il était impossible de te dire non… C’est ainsi que je me suis retrouvé à la tête de la chorale du Pépère Club dite « Not’enbulles » sans trop savoir comment. Nous dévorions la vie à pleines dents et riions encore plus depuis que nous étions d’heureux retraités… Je te revois dans l’encadrement de ma porte d’entrée, pour le cours de solfège, avec ce sourire qui illuminait tout le monde. Je te connais depuis trente sept ans et je t’ai toujours vu prendre des cours. C’est là l’expression d’une ouverture d’esprit que je n’ai connu chez personne d’autre.

 

Nous avions en commun le goût de la musique, de la peinture, particulièrement l’aquarelle, et de la poésie bien sûr, que tu pratiquais avec talent en tant qu’auteur compositeur. Il y avait aussi cette activité presque artistique que nous considérions un peu comme un jardin secret : la pêche à la mouche. Tu ressentais tout autant que moi l’appel de la rivière et j’ai le souvenir ému de nos escapades canne à mouche en main dans la douceur de la campagne bretonne pendant que femmes et enfants se détendaient à la plage. Nous rendions la vie à la plupart des belles truites que nous prenions… Le mouvement perpétuel de l’onde claire avait un goût d’éternité et le décor un parfum de paradis…

 

Au paradis, il y a certainement des fleurs, et en cette jolie matinée d’hiver, il y en avait tellement sur ta tombe qu’elles débordaient à profusion sur les sépultures voisines. Thomas, mon fils, que tu considérais un peu comme le tien (tu me l’as dit), m’a fait remarquer dans un souffle qu’il y avait là tout le symbole de ta vie : un peu de fleurs pour toi et beaucoup pour les autres…

 

Certains l’affirment : nous nous retrouverons tous là-haut… Alors je suis presque heureux de te dire comme à la fin de nos petits mails :  à un de ces jours !

                                                                                                          Bernard


Date de création : 18/11/2008 # 13:06
Dernière modification : 18/11/2008 # 15:47
Catégorie : - Hommage à Jean Pierre
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